Baisse des prix produits pétroliers : Quels impacts sur les chantiers ?

Par La rédaction
La rédaction

Dans l'imaginaire collectif et économique, une baisse du prix du baril devrait mécaniquement entraîner une chute du coût du mètre carré. C'est une logique séduisante, presque mathématique : si le carburant baisse, le transport coûte moins cher, et donc, construire devient plus abordable. Pourtant, sur le marché sénégalais du BTP, cette équation se heurte à une réalité bien plus complexe.

Pour une meilleure compréhension du contexte, le supercarburant passe de 990 FCFA à 920 FCFA le litre, soit une réduction de 70 FCFA, tandis que le gasoil baisse de 755 FCFA à 680 FCFA le litre.

Cette  récente stabilisation n'a pas provoqué le choc déflationniste espéré sur l'immobilier. Pourquoi ?

La tyrannie de la géographie

Pour comprendre l'inertie des prix, il faut d'abord disséquer la chaîne de valeur du BTP. Notre secteur est victime d'une contrainte géologique majeure : les matériaux pondéreux (basalte, latérite) sont extraits à Diack ou dans la région de Thiès, tandis que la consommation massive se concentre sur la presqu'île de Dakar.

Nous sommes face à une équation impitoyable où la logistique représente 30% à 45% du coût "rendu chantier" des agrégats. Sur un mètre cube de béton coulé aux Almadies, près de la moitié du prix ne rémunère pas la matière, mais son déplacement.

L’effet de cliquet et la dette technique

L'économie du transport de matériaux est atomisée et largement informelle, souffrant d'une élasticité-prix asymétrique.

Lorsque le gasoil augmente, les transporteurs répercutent immédiatement la hausse pour survivre. Mais lorsqu'il baisse, ils ne baissent pas leurs tarifs. Ils profitent de ce différentiel pour reconstituer leurs marges, souvent exsangues, ou pour financer la maintenance différée d'un parc de camions vieillissant.

La baisse du carburant ne profite pas au client final (le maître d'ouvrage) ; elle est "confisquée" par la chaîne logistique pour combler sa propre dette technique. C'est un phénomène de rattrapage de trésorerie, pas d'opportunisme commercial.

Le temps plus cher que le pétrole

L'autre facteur qui neutralise la baisse du carburant est la congestion urbaine. À Dakar, la variable critique n'est plus le coût du litre de gasoil, mais le nombre de rotations possibles par jour.

Un camion coincé trois heures dans les embouteillages de la VDN consomme du carburant (moteur au ralenti), mais surtout, il perd du temps de production. Si la fluidité du trafic ne s'améliore pas, une baisse de 10% du prix à la pompe est anecdotique face à l'impossibilité de livrer plus de deux chargements par jour. L'inefficience infrastructurelle coûte ainsi plus cher que l'énergie.

Vers une nouvelle intelligence logistique

Pour les investisseurs et promoteurs, attendre une baisse des coûts de construction via la pompe à essence est une stratégie perdante. La véritable optimisation réside ailleurs.

L'arbitrage géographique : La baisse du coût kilométrique, même minime, favorise l'expansion vers des zones comme Thiès ou Diamniadio. Là-bas, la proximité des carrières écrase le coût logistique, rendant les projets structurellement plus rentables qu'à Dakar-Plateau.

La contractualisation intelligente : Les grands donneurs d'ordre doivent sortir de la naïveté et imposer des clauses d'indexation gasoil strictes, ou mieux, internaliser la logistique en achetant "départ carrière" (Ex-Works) pour capter eux-mêmes la marge de transport.