Analyse du Cadre Réglementaire de la Promotion Immobilière au Sénégal

Mouhamadou Sow
Par Mouhamadou Sow

La promotion immobilière est un secteur clé du développement économique au Sénégal, reflétant l'urbanisation rapide et la forte demande en logements et infrastructures. Ce domaine dispose d’un cadre juridique spécifique, conçu pour protéger les intérêts des différentes parties prenantes et encourager la production de logements de qualité.

Cette contribution vise à analyser le cadre réglementaire de la promotion immobilière au Sénégal, en mettant en avant les lois, les modèles contractuels, les défis et les opportunités associés à ce secteur stratégique.

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Mouhamadou SOW, Juriste, spécialiste en droit immobilier, construction et urbanisme 

Cadre Réglementaire de la Promotion Immobilière

Loi sur la promotion immobilière : La promotion immobilière au Sénégal est principalement régie par la loi n° 2009-23 du 8 juillet 2009 portant code de la construction, ainsi que par son décret d’application du 27 janvier 2010. Ces textes visent à encadrer les opérations de promotion immobilière et à promouvoir l'habitat. Largement inspirée du droit français, cette législation cherche à renforcer la production de logements tout en améliorant la qualité des produits, et préserver les intérêts des accédants à la propriété.

Définition et activités du promoteur immobilier : La promotion immobilière inclut toutes les entreprises dont l'activité principale est la réalisation d'opérations immobilières telles que :

  • Des logements,
  • Des résidences de tourisme et des constructions destinées aux loisirs,
  • Des résidences avec services et/ou exploitation,
  • Des bureaux, des locaux commerciaux et industriels,
  • Des opérations d'aménagement et de lotissement.

Le terme "promoteur immobilier", introduit par l'architecte et urbaniste français Fernand Pouillon en 1954, désigne l'agent économique responsable de la réalisation d'immeubles en vue de leur vente. Le Précis Dalloz définit le promoteur immobilier comme "l’agent économique qui réalise un ou plusieurs immeubles afin d’en faire acquérir la propriété à une ou plusieurs personnes nommées accédant à la propriété". Cette définition montre que le promoteur immobilier joue un rôle d’intermédiaire entre les techniciens de la construction et l’acquéreur final.

Cependant, la notion de promoteur immobilier reste complexe et relativement indéterminée. Les sources légales et jurisprudentielles se concentrent surtout sur les rapports contractuels et le régime de responsabilité entre le promoteur et l'accédant, en particulier pour les logements.

Modèles contractuels : Dans la pratique, le cadre sénégalais de la promotion immobilière s'appuie sur deux modèles contractuels et économiques inspirés du droit français, notamment la vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) et la vente à terme (VAT).

La VEFA est définie par l'article L122 du code de la construction sénégalais comme une vente où le vendeur s'engage à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat, et où la propriété de l'immeuble est transférée progressivement à l'acquéreur au fur et à mesure de l'avancement des travaux.

La VAT, définie par l'article L123 du même code, dispose que le vendeur s'engage à livrer l'immeuble à son achèvement, et que le transfert de propriété s'effectue lors de la livraison de l'immeuble, avec un paiement final à cette date.

Ces modèles contractuels et économiques garantissent une protection accrue des accédants en imposant au promoteur des obligations strictes quant à la formation et à l'exécution des contrats, notamment en ce qui concerne le respect du formalisme et du contenu des contrats. En cas de non-respect, le contrat peut être annulé.

En outre, dans les modèles contractuels de la promotion immobilière, précisément dans la VEFA, le principe de versements proportionnels à l’état d’avancement du chantier constitue un élément indispensable à la protection de l’acquéreur. En revanche, dans la vente à terme, ce mécanisme de protection est inexistant, mais il n’a pas également vocation à s’appliquer car le prix de vente est payé à l’achèvement des travaux.

Garantie financière et responsabilité du promoteur : Le promoteur immobilier est tenu de souscrire à des garanties financières, souvent fournies par une banque ou un établissement de crédit, pour protéger les accédants contre les aléas de la construction comme l'inachèvement de l'immeuble ou la faillite du promoteur. Ces garanties assurent la bonne fin de l'opération.

En termes de responsabilité, le promoteur, en tant que vendeur d'immeuble à construire, est responsable des vices de construction, de la garantie décennale et biennale, des désordres intermédiaires, et du défaut d'isolation phonique.

Contrat de promotion immobilière : Outre les modèles VEFA et VAT, le promoteur immobilier peut également recourir au contrat de promotion immobilière, défini à l'article L95 du code de la construction sénégalais. Ce contrat est un mandat d'intérêt commun par lequel le promoteur s'engage, pour un prix convenu, à faire réaliser un programme de construction et à gérer les opérations juridiques, administratives et financières associées.

Défis et Opportunités

Défis
Le secteur de la promotion immobilière au Sénégal est confronté à plusieurs obstacles majeurs. En premier lieu, la rareté du foncier disponible, en grande partie due à la loi n° 64-46 du 17 juin 1964 relative au domaine national, complique l'accès à des terrains constructibles, et est également source de conflits. À cela s'ajoute le coût élevé des prêts bancaires, tant pour les accédants à la propriété que pour les promoteurs immobiliers, limitant ainsi l'accès au financement nécessaire pour réaliser des projets. Le marché hypothécaire demeure également sous-développé, ce qui complique la mise en place de solutions de financement adaptées. La complexité des procédures administratives, souvent perçue comme lente et lourde, constitue un frein supplémentaire au développement rapide du secteur. Enfin, la spéculation foncière accentue la pression sur les prix du terrain, rendant difficile la concrétisation de projets immobiliers accessibles.

Opportunités 
Malgré ces défis, le secteur de la promotion immobilière présente d'importantes opportunités. L’exploitation future des ressources pétrolières et gazières du Sénégal devrait stimuler une forte croissance économique dont le marché immobilier pourrait bénéficier grâce à une augmentation de la demande en logements. Par ailleurs, le développement des fintech au Sénégal ouvre de nouvelles perspectives pour mobiliser des capitaux, notamment en facilitant les investissements étrangers dans l'immobilier et en favorisant l’inclusion financière, permettant ainsi un accès élargi au crédit.

Le gouvernement a également prévu de mettre en place des mesures incitatives sur le plan fiscal pour soutenir le secteur immobilier, contribuant à la résolution de la crise du logement. De plus, les partenariats public-privé, déjà en cours de développement, joueront un rôle clé dans la création d’infrastructures et de logements accessibles, renforçant ainsi le dynamisme du marché immobilier.

Cette combinaison de facteurs offre une opportunité unique pour transformer les défis actuels en leviers de croissance pour le secteur de la promotion immobilière au Sénégal.

Conclusion

Le cadre réglementaire de la promotion immobilière au Sénégal, bien qu'inspiré du modèle français, est adapté au contexte local pour sécuriser les accédants et structurer le marché. Les lois en vigueur et les modèles contractuels et économiques assurent une protection des parties tout en encourageant la production de logements.

 Malgré les défis, ce secteur  présente des perspectives encourageantes, soutenues par une économie dynamique, une urbanisation croissante et les bénéfices attendus de l'exploitation des ressources pétrolières et gazières. Le renforcement des infrastructures, l'amélioration de l'accès au financement et la sécurisation foncière sont essentiels pour exploiter pleinement le potentiel du marché. En surmontant ces défis, le Sénégal pourra non seulement répondre à la demande croissante en logements et infrastructures, mais aussi stimuler la croissance économique et améliorer la qualité de vie de ses citoyens.

Références

  • Loi n° 2009-23 du 8 juillet 2009 portant code de la construction.
  • Décret d’application du 27 janvier 2010.
  • Précis Dalloz, définition du promoteur immobilier
  • Loi n° 67-3 du 3 janvier 1967 relative aux ventes d'immeubles à construire et à l'obligation de garantie à raison des vices de construction
  • Article L122, L123, L124 et L95 du code de la construction.
     


Mouhamadou SOW

Juriste, spécialiste en droit immobilier, construction et urbanisme 

Consultant en investissements immobiliers

CEO & Fondateur de SEN REAL ESTATE

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