Peut-on adapter le modèle de Gordon-Shapiro à l’immobilier au Sénegal?

Souleymane Gueye
Par Souleymane Gueye

Le modèle de Gordon-Shapiro, bien que principalement utilisé pour évaluer des actions en bourse, peut théoriquement être adapté à l'immobilier, notamment pour évaluer des biens générant des flux de trésorerie constants, tels que des propriétés locatives. Cependant, cette application n'est pas sans défis et présente des limites importantes. Analysons cette possibilité.

Adaptation du modèle à l'immobilier

Pour appliquer le modèle de Gordon-Shapiro à l'immobilier, nous devons identifier des analogues aux termes utilisés dans la formule originale :

- P₀​ (Prix actuel de la propriété) : Il s'agit du prix auquel la propriété est actuellement cotée ou évaluée.

- R₀ (Revenu locatif net actuel) : Le revenu locatif annuel net, après déduction des frais d'exploitation, des taxes et des autres dépenses.

- (Taux de croissance des loyers) : Le taux annuel prévu de croissance des revenus locatifs.

- r  (Taux de rendement requis) : Le rendement attendu par les investisseurs immobiliers, souvent basé sur des comparaisons de marché et le coût du capital.

La formule adaptée pourrait être écrite comme suit :

P₀= R₀(1+g) / (r-g)

Exemple d'application

Supposons un immeuble de bureaux à Dakar générant un revenu locatif net annuel de 60 000 000 FCFA, avec une croissance annuelle prévue de 2 % des loyers. Si les investisseurs exigent un rendement de 8 %, nous pouvons calculer la valeur de la propriété en utilisant la formule ci-dessus :

R₀ est Revenu locatif net actuel, soit 60 000 000 CFA,

g  est le taux de croissance des loyers, soit 2 %

r  est le taux de rendement requis, soit 8 %.

P₀= 60 000 000 x (1+0,02) / (0,08-0,02)

Ainsi, la valeur de la propriété est de 1 020 000 000 CFA

Limites et problèmes potentiels :

1- Hypothèses de croissance constante

L'une des principales limites de l'application de ce modèle à l'immobilier est l'hypothèse de croissance constante des revenus locatifs. Les loyers peuvent être influencés par une multitude de facteurs, tels que les conditions économiques, les taux de vacance, les cycles de marché et les politiques gouvernementales (Exemple : décret sur une baisse du loyer) . Par conséquent, la prévision d'un taux de croissance constant peut être irréaliste dans de nombreux cas.

2- Volatilité des revenus locatifs

Les revenus locatifs peuvent être sujets à une variabilité significative en raison de la vacance, de l'insolvabilité des locataires ou de la nécessité de rénovations importantes. Ces fluctuations ne sont pas facilement capturées par la formule de Gordon-Shapiro, qui suppose des flux de trésorerie réguliers.

Voir l'analyse du marché locatif au 2e trimestre 2024

3- Estimation du taux de rendement requis

Le taux de rendement requis pour les investissements immobiliers peut varier considérablement en fonction du type de propriété, de l'emplacement et du profil de risque de l'investisseur. La détermination de ce taux est plus complexe que pour les actions, où les benchmarks de marché et les données historiques sont plus facilement disponibles.

4- Durée de vie limitée des biens immobiliers

Contrairement aux actions, les biens immobiliers ont une durée de vie physique limitée et peuvent nécessiter des investissements en capital pour maintenir ou augmenter leur valeur. La formule de Gordon-Shapiro ne prend pas en compte l'amortissement ou les coûts de maintenance futurs.

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A la lumière de ces élements d'appréciation, l'adaptation du modèle de Gordon-Shapiro à l'immobilier est théoriquement possible et peut offrir une perspective intéressante pour l'évaluation des biens générant des flux de trésorerie réguliers. Cependant, les hypothèses sous-jacentes et les caractéristiques distinctes du marché immobilier limitent son applicabilité pratique. Les investisseurs doivent utiliser ce modèle avec prudence et compléter leur analyse par d'autres méthodes d'évaluation, telles que l'actualisation des flux de trésorerie (DCF), les comparables de marché (en ayant recours à AML Estate Intelligence) et les analyses de sensibilité, pour obtenir une image plus complète et réaliste de la valeur d'un bien immobilier.