Paysage financier immobilier : Stratégies et Perspectives pour les acteurs du marché
Pour mieux comprendre le spectre du secteur du financement immobilier, Me Mory DIAKHATE, Notaire, Secrétaire Général du Bureau de la Chambre des Notaires Sénegal nous a accordé une interview sur les stratégies de financement immobilier au Sénégal.
--
MIS : Quelles sont les principales options de financement immobilier disponibles pour les particuliers souhaitant acquérir une propriété résidentielle, et quelles sont les considérations importantes à prendre en compte lors du choix entre un prêt hypothécaire, un prêt relais ou d'autres solutions de financement?
Me Mory Diakhaté : Les principales options de financement disponibles pour les particuliers souhaitant acquérir une propriété au Sénégal reposent essentiellement sur le prêt bancaire. Cela se justifie par le fait qu’au Sénégal le niveau de vie est très élevé par rapport aux revenus qu’un citoyen peut avoir et ainsi se permettre des faire des économies.
Ce qui veut dire que pour la majorité des particuliers qui dispose d’un revenu permanent peuvent tout simplement soit recourir à un prêt bancaire soit bénéficier d’un programme de financement que certaines entreprises mettent en place en leur sein dans le cadre de leur politique RSE.
Il y a le mécanisme des sociétés de coopératives ou même des tontines qui permettent aujourd’hui à certains de pouvoir accéder à la propriété.
En ce qui concerne les considérations à prendre en compte pour faire un choix sur le mode de financement pour acquérir une propriété, plusieurs facteurs peuvent entrer en jeu. Il peut s’agir de la capacité financière, le taux, l’âge ou même de l’importance et la consistance des garanties à accorder à l’établissement de crédit.
MIS : Pouvez-vous expliquer les implications juridiques et financières des garanties couramment utilisées dans les transactions immobilières, telles que l'hypothèque, le privilège du prêteur et la caution?
Me Mory Diakhaté : Le côté juridique dans une opération de crédit se conçoit du début à la fin puisqu’en réalité tout est organisé par la loi. La relation entre le débiteur et créancier est par essence une relation juridique avec comme fondement un contrat qui lie les différentes parties. De ce point de vue, le notaire se doit de veiller au respect des règles fondamentales qui concourent tant à la validité qu’à l’efficacité du contrat, sous peine d’engager sa responsabilité.
Par contre, les implications financières sont à prendre en considération et dépendent du mode de financement utilisé. Il est un normal que celui qui acquiert un bien sur fonds propres vienne à payer moins que celui qui passe par un crédit bancaire.
Le fait de passer par un apport bancaire suppose une garantie hypothécaire au profit de la banque ; ce qui a un coût qui vient se rajouter au montant de la provision sur frais et honoraires d’acte de vente. A ce niveau, il convient de souligner que le privilège du vendeur du prêteur n’est prévu par le droit OHADA et aucune disposition nationale ne le prévoit, seule la notion d’hypothèque est prévue à travers l’Acte Uniforme organisant le droit des sûretés. C’est cet acte uniforme qui organise également la caution. Il faut souligner que rarement il est prévu une telle sûreté lorsqu’il s’agit d’un financement pour une acquisition immobilière à moins qu’il s’agisse d’un financement au profit d’une personne morale où un des dirigeants ou associés peut être appelé à titre de caution.
La Vente à l’Etat Futur d’Achèvement (VEFA) est un outil performant
MIS : Quels sont les critères clés que les promoteurs immobiliers doivent prendre en compte lorsqu'ils recherchent un financement pour un projet de construction ou de développement immobilier, et quelles sont les options de financement les plus adaptées à différentes phases du projet?
Me Mory Diakhaté : Les critères que les promoteurs doivent prendre en compte pour la recherche de financement sont nombreux. Il peut s’agir de la notoriété du promoteur selon qu’il s’agisse du nombre de ses réalisations, la qualité de ses produits que de ses clients, le respect des délais ou même de la situation géographique des constructions à réaliser.
Les promoteurs de nos jours cherchent à solliciter de moins en moins les établissements de crédit pour réaliser leurs programmes immobiliers. La Vente à l’Etat Futur d’Achèvement (VEFA) est un outil performant pour permettre aux promoteurs de réaliser des programmes en se fondant sur les appels de fonds qui se font au fur et à mesure de l’avancement des travaux ; à préciser que la VEFA n’exclut pas totalement le recours aux établissements de crédit.
MIS : Comment les investisseurs immobiliers peuvent-ils optimiser leur stratégie de financement pour maximiser leur rendement sur investissement?
Me Mory Diakhaté : Pour maximiser leur rendement sur investissement à mon avis cela dépend de sa capacité de négociation pour bénéficier d’un taux avantageux si toutefois il doit recourir à un financement bancaire.
L’autre élément consiste au respect des délais de réalisation du programme. Plus le délai est long plus le projet coûtera cher ; ce d’autant que dans les programmes de VEFA par exemple, le promoteur peut être amener à supporter des indemnités de retard.
Il y a aussi de mener une bonne politique de commercialisation en disposant d’un réseau de clientèle qui permet d’écouler rapidement ses produits.
Il y a aussi d’avoir un bon ratio entre la qualité et prix des ouvrages à réaliser.
MIS : Quels sont les risques et les avantages associés à l'utilisation de produits financiers tels que les titrisations immobilières ou les fonds d'investissement immobilier (REITs) dans le cadre d'une stratégie de financement ou d'investissement immobilier?
Me Mory Diakhaté : Il faut souligner que le mécanisme de titrisation immobilière ou les fonds d'investissement immobilier (REITs) n’est pas développé au Sénégal. Il s’agit de mécanismes méconnus ou peu pratiqués de nos promoteurs qui pour la plupart des cas préfèrent acquérir construire et vendre ou tout simplement trouver un accord avec un propriétaire terrien, construire, se partager les appartements dont certains sont destinés à la vente.
Ces mécanismes développés aux Etats Unis commencent à susciter des intérêts en Europe.
MIS : Pouvez-vous expliquer le processus de refinancement immobilier et quand est-il judicieux pour les propriétaires ou les investisseurs immobiliers de considérer le refinancement comme une option pour optimiser leur situation financière?
Me Mory Diakhaté : Les opérations de refinancement immobilier, souvent qualifiées d'OBO immobilier (« owner buy out » immobilier) consistent à refinancer des biens immobiliers de rapport en les cédant à une SCI qui va s'endetter pour les acquérir.
De telles opérations permettent de combiner plusieurs objectifs : la vente de l'immeuble à une SCI familiale permet au parent de recevoir des liquidités, donc de diversifier son patrimoine. Elle permet dans certains pays comme la France, à souscrire, au nom de la société, un emprunt à des taux d'intérêt historiquement bas et de bénéficier d’une déductibilité fiscale des intérêts de l'emprunt ; ce qui n’est pas le cas au Sénégal.
Il peut arriver au Sénégal qu’un tel mécanisme soit utilisé soit pour anticiper sur les problèmes de succession soit, sur exigence de la banque, pour faciliter l’accès à un crédit destiné pour construire ou rénover le bien en raison de l’âge avancé des parents qui ont atteint la limite leur fermant les portes d’accès à un concours bancaire.
MIS : Quelles sont les implications légales et financières de l'acquisition d'une propriété immobilière par le biais d'un entité juridique comme une société, et comment ces structures peuvent-elles être utilisées dans le cadre d'une stratégie de financement immobilier efficace?
Me Mory Diakhaté : Légalement il n’y a aucune différence entre l’acquisition d’une propriété immobilière par une personne physique et une personne morale. Toutes deux ont des droits et des obligations. Elles sont des acteurs dans le commerce juridique.
Revenant sur la cas de la société, il a y a effectivement une procédure à suivre lorsque celle-ci souhaite acquérir un bien immobilier. Il faudra dans un premier temps consulter les Statuts de la société pour voir si l’objet social de ladite société autorise le représentant légal de la société à engager librement cette dernière dans une opération ou s’il faille solliciter un organe compétent (l’assemblée générale des associés, le conseil d’administration ou autre selon la forme social de chaque société). Il peut arriver que le représentant social puisse être autorisé jusqu’à un certain seuil et être obligé de s’en référer à l’organe compétent visé par les Statuts en cas de dépassement.
En ce qui concerne les implications financières, il n’y a quasiment aucune différence à moins que le prix ne dépasse pas Quarante Millions (40.000.000) de Francs CFA. En effet, suivant le Décret n° 2017-1009 du 17 mai 2017 fixant les émoluments des notaires pour les ventes d'immeubles à usage professionnel au profit des Petites et Moyennes Entreprises (PME), les émoluments des notaires pour les ventes d'immeubles à usage professionnel au profit des Petites et Moyennes Entreprises (P.M.E) sont fixés forfaitairement à cinq cent mille (500.000) francs CFA lorsque le prix d'acquisition est inférieur ou égal à quarante millions (40.000.000) de francs CFA.
Il s’agit là d’une mesure incitative pour faciliter l’accès à la propriété aux PME et la seule condition fixée par ledit Décret est la présentation d’un document attestant de son immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier.