Situation de la Promotion Immobilière au Sénégal: Entretien avec Mamadou Mbaye (REPPIS)
MIS : Dans un contexte assez tendu dans le secteur du foncier, comment les promoteurs immobiliers gèrent-ils les contraintes liées à l'acquisition des terres, notamment en ce qui concerne les démarches administratives et les coûts d'acquisition qui peuvent parfois être élevés dans certaines zones ?
MM : En effet, dans le contexte actuel tendu du secteur immobilier, les promoteurs font face à de nombreux défis qui compliquent l'acquisition de terrains et la réalisation de projets. Voici les principaux points que nous retenons :
1. Augmentation des défaillances : Le secteur de la construction, particulièrement la promotion immobilière, connaît une hausse significative des défaillances d'entreprises.
2. Contraintes côté offre
- Raréfaction des terrains constructibles, notamment à Dakar où plusieurs sites ont été fermés
- Diminution des nouveaux permis de construire délivrés
- Hausse des coûts des matériaux de construction
3. Contraintes au niveau de la demande
- Baisse du pouvoir d'achat des acquéreurs potentiels
- Augmentation rapide du prix des logements
4. Conséquences
- Difficultés pour les promoteurs à équilibrer leurs bilans financiers
- Mévente des programmes immobiliers récemment construits
Ces facteurs, tant internes qu'externes au secteur, sont exacerbés par les changements par la conjoncture. Les promoteurs immobiliers se trouvent ainsi dans une situation particulièrement difficile, confrontés à des coûts d'acquisition et de construction en hausse, tout en faisant face à une demande en baisse.
MIS : A l’heure où l’écoconstruction devient de plus en plus prisée à l’échelle internationale, y aurait-il des contraintes technique ou financière associées à une transition vers des pratiques de construction durable et des technologies innovantes dans les projets immobiliers au Sénégal?
MM : Le Sénégal est considéré comme un ancien adepte de la construction écologique. Pourtant, aujourd'hui, la plupart des maisons et immeubles sont loin de correspondre aux critères d'une construction écologique, contrairement à la tendance observée dans de nombreux pays occidentaux. De plus, la majorité des personnes cherchant à acheter un bien immobilier au Sénégal ne tiennent pas forcément compte du critère écologique.
Il y a encore quelques années, des matériaux naturels comme la paille, actuellement considérée comme l'un des meilleurs matériaux de construction écologique, étaient très utilisés dans l'édification des maisons au Sénégal. Cependant, le besoin de modernisation a conduit à une réorientation des constructions vers des matériaux tels que le béton et le parpaing.
Les promoteurs immobiliers sont conscients que les constructions traditionnelles étaient plus écologiques, plus respectueuses de l'environnement et mieux adaptées au climat tropical que les constructions modernes. Ils envisagent de plus en plus un retour aux sources. Toutefois, ils sont confrontés à plusieurs obstacles, notamment le manque d'ouvriers qualifiés pour ces types de construction et l'absence d'industrialisation de ces matériaux pour les adapter à la réalité et à la modernité du marché.
Nous lançons un appel aux autorités pour qu’elles relancent le secteur de la promotion immobilière au Sénégal
MIS : Quelles réformes préconisez-vous pour faciliter le développement du secteur de la promotion immobilière ?
MM : Nous lançons un appel aux autorités pour qu’elles relancent le secteur de la promotion immobilière au Sénégal. L'État se doit de collaborer avec les acteurs, et leur permettre d'accéder aux foncier tout en les accompagnant. Nous saluons les initatives d’un passé récent comme le Fonds De Garantie pour l'Accès au Logement (FOGALOG), le prélèvement des taxes sur les matériaux de construction, etc..
Nous espérons que les acteurs serons associés aux nouvelles orientations des autorités pour que les décisions soient prises suivant une démarche inclusive.
MIS : Comment le REPPIS envisage-t-il de renforcer la collaboration entre les acteurs du secteur privé et les pouvoirs publics pour résorber le déficit de logement au Sénégal?
MM : Le REPPIS est une organisation qui existe depuis le début des années 2000 regroupant des promoteurs publics et privés. D’une part, nous pensons que nous devons nous élargir aux particuliers qui se sont spécialisés dans la construction et les associer aux évènements et salons que nous organisons localement et à l’international. Ensemble, nous pouvons renforcer notre Regroupement, organiser des rencontres thématiques sur les questions liées à notre métier et formuler des propositions concrètes à l’endroit des pouvoirs publics.
D’autre part, nous sommes à la disposition des pouvoirs publics pour davantage impulser la production de logements et ce, en nous facilitant le cadre règlementaire et que les règles de compétitivité ne souffrent d’aucune ambiguïté.